Yesterdays Sandwich - Boris Mikhailov
Boris Mikhailov est ingénieur dans une usine en URSS quand lui on confie un appareil photo pour réaliser un reportage ; il en profite pour faire des photos de nu de sa femme. Le KGB découvrant son travail, demande son licenciement. Cet épisode sera décisif pour la suite de son parcours professionnel et déclenchera son envie de devenir photographe. Il découvre alors qu’il y a trois interdits photographiques en URSS :
– la prise de vue en hauteur au-delà d’un étage, les casernes, les gares...,
– une représentation négative du mode de vie soviétique,
– la représentation du corps nu.
Le fait d’être Ukrainien, d’avoir une mère juive et une vision non conventionnelle de la photo, ne lui permettra pas de percer comme photographe sous l’ère soviétique. Il photographie et accumule des images qui ne sont peu ou pas exposées. Après l’effondrement du mur de Berlin et la fin du bloc soviétique il voyage entre Kharkov, sa ville natale et l’Allemagne et devient alors le photographe émergent de l’ex union soviétique.
Il doit notamment sa notoriété à des séries sulfureuses éthiquement condamnables comme « If I were a German ». Il y utilise dans un ensemble d’images en noir et blanc l’uniforme nazi et se met en scène avec ses proches dans des tableaux représentant des scènes érotiques, où victimes et bourreau semblent trouver du plaisir. Ces photos ont été exposées en Allemagne en 1995 lors du 50 ème anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, elles sont immédiatement considérées comme une insulte aux victimes du nazisme. Toujours provocateur, il continue avec sa série « Case History », réalisée en 1997 et 1998. Cette fois ci, il met en scène des clochards de Kharkov à qui il demande de s’exhiber à moitié nu devant son objectif contre un peu d’argent. Les scènes sont grotesques, les pauvres gens sont difformes, abîmés par leur existence miséreuse.
Dans « Yesterdays Sandwich », on ne trouve pas cet esprit provocateur. A la fin des années 60 Boris Mikhailov met au point un projecteur de diapositives qui superpose de façon aléatoire deux images comme les surréalistes associaient des mots. A l’origine ses compositions étaient projetées sur un écran. Mikhailov aura ensuite l’idée de réaliser des tirages. Quand il les présentera à Sergueï Morozof, critique, chargé de la censure des photographies sous l’ère soviétique, ce dernier déclarera « Quelle horreur, c’est monstrueux ! ». Boris Mikhailov sera donc contraint d’improviser une galerie dans sa cuisine pour les faire voir à son entourage et ses amis.
Il a récemment réuni 55 compositions issues de superpositions qui s’échelonnent des années 60 aux années 80. Le titre est une évocation aux images prisent en sandwich mais manque de poésie alors que les images du coffret en regorgent. Certains de ses assemblages sont intemporels, ils auraient pu être réalisés hier, d’autres sont très caractéristiques de l’imagerie traditionnelle de l’URSS.
Dans cette série le langage de Boris Mikhailov utilise le nu féminin comme un espace de liberté, les images ont une force poétique inégale, la nature y est souvent présente. Les couleurs sont douces, elles sont très certainement le résultat de l’association de produits de médiocre qualité et de l’oeuvre du temps sur les diapositives. Elles donnent un grande cohérence de tonalité à l’ensemble.
Phaïdon innove une nouvelle fois dans la présentation du travail des photographes en livrant un coffret à rabats en carton gris, orné de lettres d’or, enserrées dans cet écrin, 55 photos attendent d’être manipulées, admirées, interprétées. Il est juste dommage que les photos soient imprimées sur un carton épais qui ne donne pas la sensation du toucher d’un vrai tirage. Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas d’un livre comme nous en avons l’habitude mais d’un coffret d’images, cette « mise en page » associée aux photos intriguantes donne un cachet inédit à l’ensemble.
Yesterdays Sandwich
Boris Mikhailov (photographe)
Phaidon Press Ltd (éditeur)
Sortie : janvier 2007
Langue : Français
ISBN-10 : 0714846368
Prix : 49 euros