Venise la nuit
Elle avait dit ça en riant derrière la transparence d’un verre de vin, à Venise, la dernière nuit du 31 décembre qu’ils avaient vécue ensemble. Elle avait absolument voulu revenir dans cette cité où elle avait passé plusieurs réveillons de fin d’année dans son enfance pour voir l’exposition des surréalistes au Palazzo Grassi. Je veux que tu m’emmènes dans le meilleur hôtel de cette ville fantôme, avait-elle demandé, et que tu déambules avec moi la nuit dans les rues désertes, Parce que c’est le seul moment de l’année où l’on peut les trouver ainsi : il fait si froid que les routards meurent gelés sur les bancs, tout le monde s’enferme dans les hôtels et les pensions, il n’y a dehors que des gondoles qui se balancent en silence sur les canaux, la rue des Assassins paraît plus étroite et plus sombre que jamais, et les quatre figures de pierre de la Piazzetta se rapprochent les unes des autres comme si elles possédaient un secret que celui qui les contemple ignore. Extrait : Le peintre de batailles d’Arturo Pérez-Reverte