Paris de nuit par Hamid, taxi et photographe
Depuis 18 ans, Hamid est chauffeur de taxi de nuit : il est à son compte et travaille 50 à 70 heures par semaine à sillonner dans les rues de Paris. Un peu par hasard il se retrouve avec un Minox (appareil photo 24 x 36 de petite taille) en gage. Son propriétaire ne lui paiera pas sa dette et depuis, Hamid a toujours sur lui ce petit appareil. Il y a longtemps, au lycée, il a appris à développer et a tirer des photos noir et blanc. Un jour il se décide à faire des prises de vue dans son taxi avec pour tout éclairage les lumières de la nuit. Sa pellicule de prédilection à laquelle il est toujours fidèle est la Kodak 400 iso Tri X. Pendant une année, il a fait une entorse à ses principes pour s’essayer à la couleur avec un Leica qu’il s’est offert. Le noir et blanc est revenu comme une évidence avec sa richesse de dégradés, la chaleur de son grain.
La grande partie de son travail consiste à photographier ses clients. Une fois la course terminée, il leur demande s’ils veulent bien être pris en photo, quand ils sont d’accord il cherche la lumière d’un réverbère, le rayon du clair de lune et il fait leur portrait.
La photographie est une passion et s’il disposait de plus de temps, il en ferait encore d’avantage. On le sent parfois perdu dans ses négatifs, il doit en avoir 12 000 ou 15 000. Il aime faire tout lui-même, le développement, la planche contact et l’agrandissement.
Son univers est celui de la nuit, il ne se limite pas au portrait, il photographie aussi des poubelles, des escaliers, des discothèques, des ponts, des toilettes, des bars. Sa démarche est originale par sa façon de capter la vie nocturne de la capitale. Quand une grande majorité de personnes dort d’autres sont en activité : ils travaillent, ils s‘amusent, ils se déplacent. Brassaï a fait découvrir une autre face de la ville avec son "Paris de nuit", tant par le coté fantomatique d’une ville qui sort de la brume ou de l’obscurité que par son intense activité humaine insoupçonnée par celui qui vit le jour. Hamid fait partie de ces travailleurs de la nuit qui dort le jour. En hiver il pourrait ne jamais voir la lumière naturelle, ses yeux sont habitués à l’éclairage artificiel des enseignes, des réverbères.
Cet autodidacte a comme référence Auguste Sander et Edward Curtis dont il a découvert les photos dans des revues. A la manière de Sander, il accumule les portraits, on y voit les modes vestimentaires, les saisons en fonction de la façon dont sont habillés les gens, les jours de pluie aux vitres ruisselantes, les rideaux de fer des boutiques, une enseigne au loin, des fenêtres d’un immeuble d’habitation. Un peu comme Curtis, il capte la vie d’une tribu, les gens de la nuit.
Quelle est l’histoire de ces inconnus ? On ne le saura jamais, ils reviennent d’un anniversaire, d’une soirée. Les regards sont parfois ailleurs, envahis par la fatigue, en attente d’un jour meilleur. Il y a aussi des clients joyeux, contents de rentrer se coucher, étonnés qu’un chauffeur de taxi s’intéresse à eux et enjoués par cette expérience unique. Certains aimeraient bien avoir un tirage de leur portrait, Hamid n’a pas le temps de prendre les adresses, de retrouver la photo qui corresponde à la bonne personne, de faire un tirage et de le mettre sous enveloppe. Les taxis de nuit sont rares, un nouveau client s’approche en faisant des signes au loin...
Informations pratiques
Le Pub Bar Playboy
2 rue Frochot, 75009 Paris (près de la place Pigalle)
Ouverture : 19h à 2h du matin
Téléphone : 01 42 81 29 54
Métro : Anvers ou St Georges (station de métro Pigalle fermée pour travaux)