Man Ray photographe
Les éditions Taschen consacrent un ouvrage à Man Ray dans sa série dédiée aux grands photographes. Figure de proue du mouvement Dada, photographe quasi exclusif des surréalistes, Man Ray recherche sans cesse l’innovation et se trouve être un personnage incontournable de la photographie du 20ème siècle.
Cet américain de nationalité est devenu français de cœur, il découvre l’art d’avant garde dans la galerie "291" d’Alfred Stieglitz et sympathise avec Marcel Duchamp. Il explore la puissance créatrice de la photographie : en déposant du gel sur l’objectif afin d’obtenir des images floues, il bouge l’appareil au moment de la prise de vue. Il recherche dans la photographie la possibilité de représenter autre chose que la réalité. Incompris par la critique américaine, il décide de s’installer en France et débarque à 35 ans au Havre le 22 juillet 1921. Il devient rapidement un portraitiste et photographe de mode recherché. Il prend en photo des mannequins en présence de sculptures de Giacometti et de Brancusi, il fréquente l’intelligentsia artistique de Montparnasse. Cette activité est purement alimentaire, et pour lui, elle ne rentre pas dans son champ artistique.
En 1922, par hasard, il solarise une feuille de papier photo avec un objet posé dessus et découvre ainsi la possibilité de travailler directement avec la lumière en se passant de l’appareil photo. Il s’attribue cette invention en lui donnant le nom de rayographie. En réalité Christain Schad (Dadaiste de Zurich) et Lazslo Moholy-Nagy avaient utilisé cette méthode avant lui. Avec son esprit surréaliste, bien qu’il n’ait jamais revendiqué l’appartenance à ce groupe dont il était très proche, il va réaliser des nus qui sont bien éloignés de l’académisme qui régnait à l’époque. Il n’hésite pas cacher le visage du modèle avec une sorte de masque, à le revêtir de quelques bouts de tissus, à prendre des parties du corps avec un angle de vue inhabituel, à utiliser des ombres projetées sur le corps, à solariser ses images.
La solarisation est aussi une étape marquante du travail de Man Ray ; son assistante de l’époque Lee Miller, sentant une souris lui passer entre les jambes alluma la lumière du labo pendant qu’une image était dans le révélateur. Man Ray trouva là un moyen original pour détourner le coté trop réaliste de la photographie et alimenter la soif d’onirisme des surréalistes. Ce procédé crée une sorte de halo sur les contours du sujet donnant du relief à l’image. En 1931, Il essaye le procédé carbro pour faire des photos en couleur mais l’abandonne car il ne lui donne pas les teintes désirées. C’est en 1950 qu’il réalise des portraits en couleur d’Yves Montan et de Catherine Deneuve. Il est dommage que ces images ne figurent pas dans cet ouvrage et on consultera utilement le site internet officiel de Man Ray pour les découvrir. Le rendu imparfait du procédé donne une image que l’on croirait tout droit sortie d’une manipulation réalisée par Photoshop. Max Ernst lui fit découvrir en 1936 des structures en trois dimensions représentant des formules mathématiques, elles se trouvaient à l’institut Henri Point Carré de Paris. Man Ray ne put résister, il prit douze photos et en tira une série de vingt tableaux en 1948 intitulés Shakespearean Equations (Equations shakespeariennes). Ce travail inspira le photographe japonais Sugimoto dont la fondation Cartier présente actuellement une exposition. Man Ray innove et provoque avec Mr and Mrs Woodman, une série de 27 photographies datant de 1947 qui illustre les débats érotiques de deux mannequins en bois servant aux artistes peintres. En 1950, Il essayera pour Polaroid avec une grande désinvolture, une nouvelle pellicule noir et blanc. Cette série d’images sera prise en dirigeant l’objectif au hasard : il l’intitulera Unconcerned Photographs (Photographies insouciantes).
Man Ray était opposé à la mise en avant de son travail de photographe qu’il considérait comme alimentaire à l’exception toutefois de ses rayogrammes. Pourtant, cet ouvrage nous fait découvrir toute l’étendue de son talent. Son atelier fut aussi une pépinière de grands photographes, on citera ses assistants : Bérénice Abbott, Jaques-André Boiffard, Bill Brandt, Lee Miller, Naomi Savage. C’est également Man Ray qui introduit le jeune Guy Bourdin pour sa première exposition dans la Galerie 29, rue de Seine, alors que ce dernier n’a que 24 ans, ce qui permis à Bourdin de rencontrer Edmonde Charles-Roux rédactrice en chef adjointe de Vogue, rencontre qui allait déboucher sur une longue collaboration. Enfin, quand son atelier était installé rue Campagne première, Man Ray avait comme voisin un certain Eugène Atget, il reconnut en lui avant tout le monde, un pionnier de la photographie et lui acheta quelques tirages. C’est son assistante de l’époque, Bérénice Abbott, qui, au décès d’Atget, racheta à son légataire testamentaire tout son fond de plaques de verre et le fit connaître en 1929 à New York grâce à Julien Levy. Les textes d’Emmanuelle de l’Ecostais, Catherine Ware et de Manfred Heiting rendent captivante l’histoire de ce photographe qui se considérait avant tout comme un peintre.
Biographie
Emmanuel Radnitsky qui prendra le nom de Man Ray en 1914, est né le 27 août 1890 à Philadelphie en Pennsylvanie aux Etats Unis. A partir de 1887 sa famille s’installe dans le quartier de Brooklyn à New York. Après des études secondaires où il a privilégié le dessin industriel et l’architecture, il bénéficie d’une bourse pour étudier l’architecture. Il y renonce et à regret, ses parents le laissent se consacrer à la peinture et au dessin. C’est dans la galerie "291" d’Alfred Stieglitz qu’il découvre l’avant garde artistique de cette époque. Puis il travaille comme dessinateur publicitaire et s’achète un appareil photo en 1914 pour reproduire ses tableaux.
Les rencontres des français expatriés, comme Marcel Duchamp, Francis Picabia vont être déterminantes ; il participe au mouvement Dada New-Yorkais.
En 1918, Ferdinand Howald commence à collectionner son œuvre mais Man Ray est ignoré par la critique américaine. Aussi, il souhaite quitter New York pour s’établir à Paris où il sent un mouvement dont il est très proche. Ferdinand Howald en mécène lui donnera 500 dollars pour l’aider à s’installer en France. Il arrive à Paris en juillet 1921 et Marcel Duchamp le présente aux Dadaïstes. En octobre de cette année il rencontre Jean Cocteau et fait de nombreux portraits dont ceux d’Erik Satie et de Kiki de Montparnasse. Il vit dans un hôtel de la rue Delambre, son activité de portraitiste le fait vivre et il réalise en 1922 les portraits de Gertrude Stein, Georges Braque, James Joyce, Jean Cocteau, Marcel Proust sur son lit de mort.... Des éditeurs parisiens le sollicitent, il fait des photographies pour les couvertures de revues. Enfin il devient photographe de mode pour les collections de Paul Poiret.
En juillet 1922, il loue un atelier au 31 bis rue Campagne Première et déclare « j’étais un photographe établi ». Il engage en 1923 Bérénice Abbot comme assistante jusqu’en 1926. Vogue version américaine et française publie ses photographies de mode en 1925.
De 1929 à 1932, la très belle et très indépendante Lee Miller devient son assistante et amante mais elle le quitte pour faire sa carrière aux Etats Unis.
En 1931, il réalise un portfolio publicitaire de 10 rayographies pour la Compagnie Parisienne de Distribution d’Electricité de Paris.
A partir de 1937, il part pour Antibes afin de se consacrer d’avantage à la peinture. En 1940, il fait la connaissance d’une danseuse américaine Juliet Browner avec qui il se mariera. Ils passent la période d’occupation aux Etats Unis. En 1951, il fait des expériences de photos en couleur. La Biennale de Venise pour la photographie de 1961 lui attribue la Médaille d’or.
Le Musée Boymans van Beuningen de Rotterdam et la Galeria Schwartz de Milan lui consacrent une rétrospective en 1971.
Man Ray meurt à Paris le 18 novembre 1976, il est enterré au cimetière du Montparnasse.
Taschen (Editeur)
Man Ray (Photographe)
Parution : 01/11/2004
19,6 x 25 cm, 224 pages
ISBN : 3-8228-348
Prix : 15 euros