L’ombre du temps au Jeu de Paume
Documents et expérimentations dans la photographie du XX eme siècle.
L’organisateur nous prévient d’entrée de jeu « Il n’y a pas d’histoire unique de la photographie. Celle qui est proposée ici est assurément partielle et partiale. Elle ne prétend à aucune exhaustivité. ». Quoi de plus risqué que de tenter de présenter une histoire de la photographie ? Malgré cet avertissement on cherche le fil conducteur de toutes ces images et on s’y perd, on sort des lieux déçu, désorienté.
Pourtant il y a une logique, un classement affiché avec trois grandes parties :
– Documents /monuments
– Expérimentation sur le médium
– Splendeur et misère du sujet.
Il y a trop de photographes pour les citer tous. Par contre il y a quelques trésors à découvrir dans ce labyrinthe. Notamment, une série de photos au format 10x13 faites et tirées par Henri Cartier-Bresson, probablement les dernières qu’il a tirées lui-même. Pendant la période d’occupation, il était déjà très connu aux Etats-Unis. Aussi un conservateur de musée new-yorkais, découvrant qu’il était encore en vie, lui a adressé 200 feuilles de papier photo (denrée rare en France) afin d’obtenir des tirages en retour avant qu’il ne meure ! Henri Cartier-Bresson les a appelées ses photos posthumes. Ce sont des images des années 30. Il en a gardé 18 pour lui, elles sont exposées ici.
A signaler également quatre images de l’artiste américaine Roni Horn dites série Clowd & Cloun, qui sont plus proches du dessin que de la photo. Elles mélangent nuage et portrait de clown.
J’ai aussi été charmé par deux images intemporelles de nu, faites en 1931 par Raoul Hausmann, peintre, écrivain, dadaïste. Il y a aussi les fondateurs de la photo avec Rodtchenko et son incroyable façon de prendre de haut, à contre plongée, de cadrer ses images d’une façon si moderne alors que les photos exposées datent de 1920 et 1930.
Sans oublier les tirages sépia d’Atget, avec ses façades de magasin et les bidons ville de la zone. Atget le maître, mort dans l’anonymat, qui n’a connu qu’une gloire posthume, dont Walker Ewans (présent aussi dans cette exposition) admirait le travail, allant jusqu’à se reprocher sur la fin de sa vie une trop grande similitude de style.
Dans un genre radicalement différent, il y a ceux qui détournent les images des autres comme Guillaume Bijl, qui présente « 185 photos importantes et moins importantes de la seconde moitié du XX eme siècle, 1986-1996 ». Il s’agit de photos d’anonymes échappées d’albums de famille ou trouvées, on ne sait où. Elles sont interprétées comme le ferait un sociologue, l’artiste en parle comme « le décor de mon temps » ou « le décor de ma civilisation ». Ces images aux couleurs passées, de très petit format, d’une qualité médiocre sont sensées être le reflet de notre société entre 1986 et 1996. Thomas Ruff a récupéré des plaques anciennes, destinées à la réalisation d’un catalogue de vente de machines outils. Il les a retouchées légèrement à l’aide de l’ordinateur et les a tirées dans un très grand format en couleur. L’idée que des gens utilisent les photos des autres, les détournent de leur première vie pour leur donner une seconde vie en les exposant sous leur nom, serait un thème original d’exposition, dans le cas présent on ne voit pas le lien avec les autres photographes.
Une installation de Dan Graham « Opposing mirrors and video monitors on time delay” (1974), permet au visiteur de se contempler lui-même dans un jeu de miroirs avec un effet-retard de six secondes.
On pourra voir ou revoir « La jetée », le film de Cris Marker réalisé en 1962, fait uniquement à partir de photos fixes. Ce film énigmatique est toujours aussi troublant et incompréhensible, la première scène se passe sur une jetée qui surplombe les pistes de l’aéroport d’Orly, à la veille de la troisième guerre mondiale...
Enfin dans des petites salles se trouvent des lieux de projection, comme le film de Nan Goldin « The ballad of sexual dependency » 1981-1993 qui sur un fond musical rock, nous présente un fondu enchaîné de ses photos.
La scénographie de cette exposition ne recherche pas l’originalité ni la surprise. Il arrive parfois, de voir sur des murs de plus de six mètres de haut, des images encadrées de dix centimètres sur treize. Exposer des photos anciennes telles qu’elles étaient présentées à leur époque est intéressant mais rien n’empêche, à coté, de les projeter ou de les reproduire dans une taille plus grande afin de les rendre plus lisibles pour tous.
Jeu de paume
1, place de la Concorde, 75008 Paris
Métro Concorde, accès par le jardin des Tuileries, côté rue de Rivoli Renseignements : 01 47 03 12 50
Entrée : 6 €, tarif réduit : 3 €
Mardi (nocturne) : 12h à 21h 30
Mercredi à vendredi : 12h à 19h
Samedi et dimanche : 10h à 19h
Fermeture le lundi