Heaven to Hell - David Lachapelle
David Lachapelle est un touche-à-tout qui réussit dans des domaines aussi variés que la photographie, les clips vidéo ou le reportage filmé. En matière de photographie, il utilise la provocation et le mauvais goût en jouant avec la mort et le sexe sous toutes ses formes. Sans rien montrer ou presque il pratique la suggestion et le cliché. Après Lachapelle Land paru en 1996 et Hôtel Lachapelle en 1999, le Lachapelle, Heaven to Hell nous livre de nombreuses images qui couvrent la période 1999 à 2006. Cette nouvelle thématique "paradis et enfer" est un alibi pour nous exposer des images trash qui ne nous épargnent aucun détail morbide et qui nous renvoient, en les passant à la loupe, les excès de notre civilisation.
Quand on s’attarde sur le travail de David Lachapelle réalisé depuis plus de dix ans, on voit se dessiner des grandes tendances obsessionnelles. Lachapelle est un maniaque du détail, il met en scène très souvent des perversions sexuelles.
Sexe et nourriture reviennent régulièrement, au menu nous trouvons : pâtes, poisson, lait, œufs, pamplemousse, bananes, cerises, saucisses, hot dog, viande crue, crème fraîche, glace et céréales...
Il a développé également un univers de zoophilie où des relations entre des femmes et des animaux sont plus ou moins explicites. Ses compositions font appel à des mythes antiques ou à l’inconscient collectif populaire. On trouve dans sa ménagerie un tigre, des cygnes, un ours polaire, un gorille, des homards, une brebis, des serpents, un cheval et même un tricératops qui se livre à un cunnilingus !
Dans son dernier opus son regard est particulièrement porté sur la mort, on y ressent la même ambiance morbide que chez Guy Bourdin. La mort est à chaque coin de rue dans : des accidents de la route, des catastrophes aériennes, des incendies, la consommation de drogue, les hôpitaux, des règlements de compte.
La femme est traitée comme de la viande que l’on présente dans un meuble réfrigéré à coté des saucisses ou congelée dans une chambre froide en compagnie de poissons... On l’aura compris c’est l’enfer.
Pour ce qui est du paradis il nous plonge dans un monde artificiel très consumériste, voyeur et exhibitionniste envahi de porno cheap, chic et kitch. Pour donner du sens à cet univers David Lachapelle installe en couverture Jésus en slip dans les bras de Courtney Love dans le rôle de Marie en déshabillé bleu et campe à la fin de l’ouvrage sept épisodes de la vie du Christ dont la célèbre Cène de Léonard de Vinci qui inspira tant de peintres et de photographes.
David Lachapelle tel un peintre, compose ses photos minutieusement en portant une attention particulière à la couleur, les roses, jaunes, bleus et rouges sont souvent saturés ce qui rend ses images facilement reconnaissables. L’utilisation d’un flash circulaire n’est pas étrangère à un éclairage qui donne un aspect irréel à ses photos.
On se demande où Lachapelle va chercher ses idées. Les ressorts de son imagination sont souvent liés à l’intégration d’un objet démesuré par rapport à la scène comme un immense burger gonflable, un énorme gant, un téléphone, un crabe géant ou une canette de coca.
Il choisit ensuite un décor extérieur commun, voire laid. Quand il préfère le studio il fait peindre les murs dans un ton uni qui rappelle les films de Jaques Demy. Il sait aussi choisir des intérieurs au papier peint chargé. Comme le photographe anglais Martin Parr, il excelle dans la représentation du mauvais goût. Il lui suffit ensuite dans ce contexte de mettre en scène une femme à moitié nue, dans une position scabreuse.
Photographe à la mode, il attire de nombreuses célébrités qui se prêtent à son jeu. Björk par exemple est placée entre un poster de ciel bleu et une branche de cerisier artificiel en fleur, elle est entourée de petites pagodes dorées qui semblent naviguer sur un miroir. Elle pose en porte-jarretelles à genoux, les jambes écartées au dessus d’une glace, qui en plein centre de la photo renvoie l’image de son entrejambe.
Les publicitaires se l’arrachent pour ses audaces, ses clins d’œil décalés et provocateurs. Ainsi en 2002, David Lachapelle a fait entrer l’univers sado maso dans la publicité grand public. On voyait dans la campagne Lavazza une femme la bouche grande ouverte, tirant la langue, portant une cagoule de latex rose fuchsia et arborant une mini tasse de café sur le bout de la langue tel un piercing.
On retrouve chez lui une part de l’héritage d’Helmut Newton et de Guy Bourdin. Ces deux photographes bien que grands provocateurs mettaient de temps à autre une certaine gravité dans leurs images, gravité que l’on retrouve peu chez David Lachapelle car le plus souvent c’est la vulgarité et la dérision qui l’a détrônée. Il est indéniable que David Lachapelle a un sens prononcé de la composition mais il semble se complaire dans un monde de consommation fait d’artifices, de vulgarité et où la femme est le plus souvent utilisée comme un objet.
Quand on voit son film Rize, on se demande si c’est bien la même personne que le photographe qui l’a réalisé. Il s’agit d’un documentaire admirable sur l’émergence d’une danse (le Krump) et sur la misère dans la quelle survit la communauté noire des ghettos implantés dans la banlieue d’Hollywood. David Lachapelle y révèle une grande sensibilité et une attention inattendue aux problèmes sociaux d’une Amérique malade d’injustice, de violence, de drogue, de pauvreté et de machisme. David Lachapelle est unique en son genre et tout simplement surprenant.
Le site officiel : www.davidlachapelle.com
Heaven to Hell
David Lachapelle (photographe)
Relié : 343 pages
Editeur : Taschen
ISBN-10 : 3822825727
Prix : 49,99 euros