David Hamilton
A la fin des années 70, David Hamilton a nourri les fantasmes de bien des adolescents avec ses jeunes filles romantiques, entrevues dans un flou dont le photographe garde encore le secret. Il a su imposer un style aux antipodes de l’hyper netteté en vogue à l’époque. Ce style est très inspiré des pictorialistes de la fin des années 1800 et fait parfois référence à des tableaux de grands maîtres. Le photographe aime composer avec la lumière du jour qui n’a pas d’équivalent pour rendre compte de l’intemporel.
Le magazine Photo a participé à sa médiatisation et à son succès. Posters, cartes postales, calendrier, livres puis films font de David Hamilton un homme qui a vécu de son art et qui à 73 ans en vit encore. Il est également un des photographes le plus populaire de sa génération. Installé en France depuis l’age de vingt ans, après avoir suivi des études d’architecture il est devenu directeur artistique pour le magazine Elle, Queen Magazine et pour le magasin Le Printemps. Il se met à la photographie à 33 ans et rencontre rapidement la célébrité en mettant en scène des jeunes filles nues qui sont toutes faites sur le même modèle : scandinaves à peine pubères, minces, blondes, les jambes longues, découvertes sur une plage ou dans la rue. Ses images sont intemporelles ce qui leur donne une sorte d’universalité, on ne voit aucun signe de modernité, les vêtements quand il y en a sont très sobres. David Hamilton est à la recherche de la beauté et de l’innocence. Grâce à un flou bien étudié, ses photos dégagent douceur et érotisme.
Dans une vidéo diffusée sur le site internet de L’Express (retirée depuis le suicide de David Hamilton), David Hamilton commente quelques images de son dernier livre. Il évoque Nabokov pour la littérature, Baltus pour la peinture, qui ont été comme lui à la poursuite de l’innocence. Modestement, il se place au même niveau, dans cette quête qui a contribué à bâtir son oeuvre. Aussi étrange que cela puisse paraître, David Hamilton ne fait pas partie du monde de la photographie d’art. Exercice révélateur, on ne trouvera aucune référence à Hamilton entre Hamaya et Hammerstiel (dont on serait bien en mal de décrire une de leurs photos) dans le livre intitulé « Le musée de la photo » édité chez Phaïdon.
David Hamilton a vendu plus d’un million sept cent mille livres et pourtant, il n’a trouvé aucun éditeur américain pour publier celui-ci. Michel Guerrin dans un article du Monde daté du 6 janvier, révèle que les éditions de la Martinière ont limité ce tirage à 8000 exemplaires alors qu’un livre de David Hamilton se vendait à plus de 100 000 exemplaires dans les années 70.
Qu’est ce qui explique ce changement ? Les mentalités et les temps changent, pour certains le doux parfum de l’innocence est devenue odeur de soufre. Dans les années 70 la libération sexuelle était à l’ordre du jour, il n’y avait rien de choquant à voir ces jeunes filles nues, lascives dans des poses en général pudiques. Le traitement de la femme par un Guy Bourdin ou un Helmut Newton était bien moins respectueux et plus provocateur. Aujourd’hui la différence vient du fait que les modèles de David Hamilton ne sont pas des femmes, mais des adolescentes, elles sont jeunes, très jeunes parfois. Il élude la question que Michel Guerrin lui pose sur l’âge de ses modèles. Il réfute le terme d’enfant. Pourtant au détour des pages on est surpris de découvrir parfois des corps de gamines qui n’ont peut être pas 13 ans.
Vouer la beauté de jeunes filles nues ne relève pas de la pornographie ni de la pédophilie. Par contre faire toute une carrière sur le sujet dénote d’une obsession artistique peu commune et qui peut devenir sulfureuse. A la fin de l’interview donnée au Monde, on comprend que David Hamilton aime ses modèles et les admire, au point qu’il vivra 20 ans avec Mona et 16 ans avec Gertrude qui fut sa femme.
Internet est apparu depuis l’age d’or d’Hamilton, avec sa cohorte de déviations sexuelles accessibles à tous en un clic de souris. Il y a eu surtout, l’horrible affaire Dutroux qui rend le rapport sensible avec ce type d’images. Aux États Unis dans les années 90, des ligues conservatrices chrétiennes ont manifesté devant des librairies qui vendaient des livres de David Hamilton, Sally Mann et Jock Sturges, revendiquant leur opposition à la pornographie infantile. En France il n’y a pas ce type de manifestation mais le sujet est sur le bout des lèvres. Par exemple à l’occasion de sa rétrospective, organisée par la MEP, Bernard Faucon déclarait qu’il ne pourrait plus aujourd’hui faire les photos qu’il a réalisées dans les années 80. Alors que certaines de ses images n’ont rien de provocantes, son intérêt insistant pour les jeunes garçons est dérangeant. On se souvient également en 2000 de Kiki Lamers une peintre hollandaise qui vit dans l’Allier et qui reproduit des photos en les projetant sur des toiles. Elle a été poursuivie pour corruption de mineurs de moins de quinze ans pour avoir pris des photographies d’enfants nus dans des positions jugées « provoquées, suggestives, lascives ou obscènes », elle a été condamnée en 2005 par la cour d’appel de Riom à 8 mois de prison avec sursis et 5 000 € d’amende au motif que « l’alibi artistique invoqué (...) est sans pertinence ».
En fonction de ce contexte, il semble certain qu’en 2007 un photographe ne pourrait pas connaître la popularité que David Hamilton a rencontré sur ce thème de « l’innocence ». La protection de l’enfance s’est renforcée, les pédophiles sont poursuivis et on s’en félicitera. De façon paradoxale la pornographie s’est « démocratisée » elle est au coin de chaque rue dans le stock des loueurs de vidéo, sur les chaînes de télévision et sur internet. Les enfants découvrent la sexualité à travers des films pornographiques. Les images de David Hamilton sont à mille lieu de cela, prenons les comme des instantanés d’une époque, le témoignage d’un artiste voyeur, d’un faux candide mais d’un vrai photographe. Ses photos ont toujours autant de charme, il n’ y a pas que des jeunes filles nues dans ce livre, il y a aussi des bouquets de fleurs qui ressemblent à des tableaux, des paysages qui invitent à la méditation, voir à la réflexion sur le sens de notre société et de l’évolution de sa morale, de ses artistes.
David Hamilton - Au temps perdu du nu
Un article de Libération d’avril 2015
Flavie Flament confirme que celui qu’elle accuse de viol est bien David Hamilton
David Hamilton (Photographe)
Rrelié : 332 pages
Editeur : Editions de La Martinière (19 octobre 2006)
hors collection
Langue : Français
ISBN-10 : 2732434981
Prix : 49 euros