Abelardo Morell
Ce photographe d’origine cubaine, né en 1948, vit aux Etats Unis depuis l’age de 14 ans. Il a suivi une formation à l’école de photographie de Yale en 1979 et enseigne cette discipline depuis 1983 au Massachusetts Collège of Art de Boston. L’enseignement qu’il a reçu à Yale avait tendance à édicter des principes comme : ne pas recadrer l’image, ne pas illustrer des idées... Il admire alors le travail de Tod Papageorge, photographe qui dirige depuis 27 ans le département de photographie de Yale. Richard Woodward qui a rédigé les textes qui introduisent cet ouvrage voit dans les images des années 60 et 70 qu’Abelardo Morell veut bien montrer, une influence de Robert Franck, d’Henri cartier Bresson et de Diane Abus.
En 1986, Abelardo Morell rompt totalement avec ce courant, son fils Brady vient de naître et il découvre alors qu’il peut rester chez lui et photographier son plus proche environnement. Ce changement de cap lui fait dire « A New York et à Yale, ils vont détester ». Il se lance ainsi dans une série qui représente la vision d’un enfant et où on y voit un biberon, un jeu de cubes, un cheval à bascule, le haut d’un toboggan, des crayons pastels. Il photographie également son fils qui grandit.
Ses images les plus étonnantes sont celles qu’il crée par camera obscura. Le principe consiste à faire passer un rayon de lumière dans une boite, à travers une lentille. Le paysage extérieur se projette alors à l’envers sur la paroi opposée à la lentille. Abelardo Morell va mettre en pratique ce principe qu’il explique à ses élèves, non pas à l’aide d’une simple boite à chaussures mais d’une pièce d’un appartement qu’il transforme en camera obscura. Il recouvre les fenêtres de papier collant noir et y perce un petit trou. Il place ensuite, pendant huit heures une chambre photo devant le mur où l’image du paysage extérieur va se révéler. Le résultat est étonnant, le mobilier de la pièce se confond avec l’image projetée à l’envers. Abelardo Morell prend plaisir à choisir des chambres d’hôtel devant Times square, le sud de Manhattan, le musée des offices, la tour Eiffel... Nul besoin de voyager loin pour découvrir un monde inattendu, celui des livres par exemple, il capte leur tranche, leurs feuilles de très près, joue avec les courbures des pages et la juxtaposition d’images. Avec des Bottins entassés les uns sur les autres, il engendre un paysage à la Chirico. Il met en scène également Alice au pays des merveilles en découpant des personnages qu’il dispose devant des livres ouverts. Ce qui est merveilleux avec Abelardo Morell, c’est qu’il explore la photographie là où on ne l’attend pas, deux fourchettes plongées dans un verre d’eau composent un tableau abstrait, une carte routière disposée en forme de cuvette se transforme en lac entourée de montagne quand Morell y dépose de l’eau. Toujours avec de l’eau il compose un alphabet sur une planche vernie en y dessinant des lettres du bout du doigt.
On sent dans ses images une introspection qui le pousse à faire des photos simples avec une recherche esthétique constante. Quand il pose son regard sur des objets anodins, Abelardo Morell s’évertue avec succès à leur donner une dimension poétique et originale. Pour y parvenir, il joue avec la lumière et l’imaginaire, d’un simple crayon posé sur une table, il va créer une ombre qui pourrait être celle d’un pieu. Dans sa série réalisée par camera obscura, il joue alors avec la notion de temps, en utilisant des poses si longues que la vie passe sans que la pellicule puisse la capter. On pense à Sugimoto qui a photographié des salles de cinéma également en pose, où le film projeté et les spectateurs sont absents de l’image finale, on ne voit qu’une salle vide éclairée par un écran blanc. Tel un magicien Abelardo Morell utilise des astuces pour faire apparaître des visions inédites d’un univers quotidien.
Phaïdon (Editeur)
Richard B. woodward (Auteur)
Abelardo morell (Photographe)
Parution : 17 novembre 2005
Format : Relié
135 pages
ISBN : 0714894966
Dimensions (en cm) : 30 x 2 x 30
Prix : 50 euros