AO/BA - A la recherche de La feuille bleue
Il y a des photographes qui développent une obsession en posant leur regard sur le monde qui les entoure. Gilles Coulon, par exemple, a passé beaucoup de temps à photographier des néons ; Bertrand Desprez, lui, s’est spécialisé dans la traque aux feuilles de plastique bleues au Japon. Le nom qui apparaît en pointillé sur la couverture de ce petit livre blanc à la tranche bleue résonne comme un cri de guerre AO/BA ! En réalité il s’agit de la traduction japonaise de « la feuille bleue ».
On retrouve partout cette bâche dans la civilisation nipponne contemporaine. L’homme sans domicile s’en sert pour se faire un abri, le paysan pour protéger le fruit de son travail. Dans le bâtiment la feuille bleue est l’accessoire indispensable pour mettre à l’abri de l’eau les toitures éventrées ou les travaux en cours. Un jour de pique-nique elle sera étendue sur le sol en guise de nappe, sur la plage elle devient natte ou drap de bain, elle servira de tapis de prière au cadre pendant sa pause. L’impact sur le paysage semble permanent et non négligeable, même par temps de neige sous le manteau blanc, la feuille bleue n’est pas discrète.
Cette feuille est aussi la marque d’une civilisation de consommation, issue de l’industrie pétrochimique, elle est pratique pour dépanner, pas chère, légère, sa couleur tient bien au soleil et elle est résistante à l’usure. Combien de temps mettra-t-elle à se dégrader ? La paille de riz qui était jadis utilisée pour des usages similaires semble disparue à jamais. Bertrand Desprez, pour réaliser cette série, a fait de nombreux voyages au Japon, il est sorti parfois des chemins balisés pour tomber nez à nez avec la feuille bleue. Néanmoins il ne faut pas limiter son travail à cette vision éclairée de la feuille bleue, il est avant tout photographe à l’Agence Vu. A ce titre il a réalisé des reportages sur le Japon, la danse à Cuba, les adolescents, les musiciens de jazz et il a fait des portraits de personnages médiatiques. On sent dans son travail une grande sensibilité emprunte d’ironie quand il s’intéresse à ces petits détails poétiques que la nature humaine développe sans s’en rendre compte.
Filigranes (Editeur)
Bertrand Desprez (Photographe)
Parution : 01/10/2004
150 x 240, 80 pages, 34 photos
ISBN : 2-914381-8
Prix : 25 euros