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Jean Agélou, De la photographie académique à la photographie de charme

Deux collectionneurs mettent en commun leurs cartes postales de femmes nues de la belle époque pour réaliser un livre très documenté et passionnant sur un sujet pas aussi léger qu’il n’y parait. Intrigués, ils engagent des recherches sur le photographe qui monopolise ce marché et qui signe mystérieusement ses images de deux lettres.

Christian Bourdon est entré dans le monde des collectionneurs de cartes postales par hasard. Il accumule au fil des ans des images de femmes nues des années 1900. Mais qui est l’auteur de ces images signées des initiales J et A ? Il découvre qu’il s’agit de Jean Agélou qui probablement, afin d’éviter des procès pour atteinte aux bonnes mœurs préfère rester dans l’anonymat. A partir de quelques indices, il mène une véritable enquête policière qui lui permet de retrouver l’acte de naissance du photographe, l’adresse de son atelier à partir du bottin et son inscription au registre du commerce. Agélou décède à 43 ans avec son frère Georges dans un accident de voiture alors que leurs affaires étaient des plus prospères.

La photo de nu féminin existe depuis l’origine de la photographie, on trouve déjà en 1854 des daguerréotypes stéréoscopiques de femmes nues mais ces images sont peu diffusées. La carte postale va révolutionner la diffusion d’images photographiques en général et en particulier la photo de nu. Jean Agélou pour commercialiser ses photos va créer des revues pour « artistes » notamment « L’Etude académique ». Les nus photographiés sont sensés être des modèles pour les peintres et les sculpteurs. Les revues sont vendues en kiosque sous enveloppe cachetée pour être en conformité avec la loi du 16 mars 1899. Véritable succès d’édition cette revue va compter jusqu’à 20 000 abonnés. Ses revues sont en réalité le support de vente par correspondance de séries de cartes postales coquines. Il s’agit de nus académiques avec des modèles entièrement nus. Les images sont assez sensuelles, on sent pour certaine une connivence avec le photographe.

La législation puis la demande de la clientèle évoluera vers de l’effeuillage, accessoires et des décors orientaux prendront alors place dans la mise en scène des images. Christian Bourdon y voit là le passage de l’académisme à la photo de charme. De façon étonnante l’âge des modèles figure toujours sur les planches, il est en moyenne de 20 à 24 ans, à l’exception d’un modèle de 14 ans, comme si ce type de pratique n’était pas poursuivi. La morale est sauve car c’est la poste qui s’occupe de la diffusion sous plis fermés et discrets de la revue et des cartes.
Les ligues de vertu vont pousser au vote de la loi du 7 avril 1908 qui vise des offres « même non publiques » comme outrageantes aux bonnes mœurs. La vente par correspondance semble visée, des peines de prison sont prévues. Par une réaction d’auto censure, le nu intégral disparaît entre les mois de mai et juin 1908 de toutes ces revues. Les images en stock sont retouchées, les éditeurs déposent un voile pudique, confectionnent une culotte... Au passage, d’un coup de pinceau, les poils pubiens disparaissent, ils ne feront leur réapparition qu’au début des années 70 !

Toutes ces photos sont réalisées en studio et en lumière naturelle, Jean Agélou, commande à des peintres des toiles de fond qui représentent un paysage de bord de mer, une salle de bain, un boudoir oriental, des colonnes de temple grec.... Ces cartes dans un premier temps interdites se retrouvent on ne sait comment dans les tranchées pour améliorer le moral des poilus.
Dans toutes ses recherches Christian Bourdon n’a pu trouver le portrait de Jean Agélou, c’est son frère Georges qui s’occupait de l’édition et de la diffusion des cartes. Jean ne s’occupait que du choix des modèles et de la prise de vue. En 15 ans de carrière Agélou a réalisé environ dix mille clichés.
Ces deux frères auront été des artisans du succès de la carte postale en France, car en 1910 on estimait que cette industrie (toutes cartes confondues, pas uniquement celles de nu) faisait vivre 33 000 personnes !

Jean Agélou (photographe)
Christian Bourdon (Auteur)
Relié : 186 pages
Editeur : Marval (30 Mai 2006)
ISBN : 2862343943
Dimensions : (en cm) : 21 x 2 x 27
Prix 45 euros